It is not the strongest of the species that survives, or the most intelligent ; it is the one most capable of change

Mots clés: Plasticité phénotypique, Biologie de l'invasion, Température, Drosophila

Plasticité phénotypique et réponses adaptatives aux changements environnementaux

Les changements environnementaux actuels et futurs imposent de nouvelles pressions de sélection aux organismes vivants. Parmi leurs mécanismes d’adaptation, la plasticité phénotypique (PP) – capacité d’un individu à modifier ses caractéristiques en réponse à l’environnement – est universelle, présente chez toutes les espèces et pour une grande diversité de traits. La PP éclaire le débat « inné/acquis » et permet de dépasser des impasses historiques telles que l’eugénisme ou le lyssenkisme, en rejetant les visions réductrices du « tout génétique » ou du « tout environnemental ».

Depuis plus de trente ans, je consacre mes recherches à la PP, notamment chez la drosophile, organisme ectotherme dont la sensibilité aux variations climatiques en fait un excellent modèle d’étude. Lorsque j’ai commencé ma thèse, ce champ restait encore peu exploré, mais la PP a connu un regain d’intérêt exacerbé par l’aggravation de la crise environnementale. Aujourd’hui, les recherches portent à la fois sur l’identification des gènes impliqués et sur la façon dont environnement, génome et épigénome interagissent, ainsi que sur le rôle évolutif de la PP face aux perturbations environnementales.

 

Sur cette problématique, je coordonne le projet ANR TRAPP qui a démarré le 1er janvier 2025 pour 4 ans et qui implique deux équipes du LBBE (GEI et ECE), l'unité CASPER de l'Anses de Lyon et l'Institut de Génétique Humaine de Montpellier. L'agriculture et les programmes de lutte anti-vectorielle font un usage intensif d'insecticides chimiques pour lutter contre les insectes ravageurs et les vecteurs de maladies. Ils représentent une pression de sélection majeure pour les populations d'insectes.
La plasticité transgénérationnelle (TGP) est une forme d’hérédité non génétique dans laquelle un changement dans le phénotype des descendants est déclenché par un signal environnemental dans la génération parentale sans impliquer de modification génétique.  L'existence du processus de TGP n'est plus contestée, mais de nombreuses questions subsistent, notamment en ce qui concerne les mécanismes moléculaires de ces effets entre générations et la persistance de la TGP sur plus de deux générations. 
Dans ce projet, nous proposons d'utiliser la puissance expérimentale offerte par Drosophila melanogaster, une espèce modèle en physiologie, biologie du développement et génétique pour explorer la TGP en réponse aux insecticides. Les mécanismes moléculaires liés à la TGP, notamment épigénétiques seront particulièrement étudiés. Cette espèce peut également être considérée comme une espèce sentinelle, représentative des espèces d'insectes exposées aux contaminants dans la plupart des agroécosystèmes comme la communauté de Drosophila sp. et l'espèce ravageuse apparentée D. suzukii, mais les observations peuvent probablement être généralisée à d'autres arthropodes. L’étude des impacts transgénérationnels des insecticides est encore peu pris en compte dans l’évaluation des risques liés aux insecticides.

Drosophila suzukii : une invasion biologique récente et une menace économique majeure

 L’introduction en France, en 2009, de Drosophila suzukii, une espèce asiatique, a ouvert de nouvelles perspectives pour l’étude des processus adaptatifs opérant à courtes échelles de temps. Originaire d’Asie de l’Est, D. suzukii a été repérée d’abord en Espagne et en Italie en 2008 et s’est propagée en France à partir de 2009. Son succès invasif tient notamment à la capacité des femelles, unique chez les drosophiles frugivores, de pondre dans des fruits sains avant maturité grâce à un ovipositeur sclérotinisé. Les dégâts, causés tant par les larves que par les infections secondaires, peuvent être majeurs : aux États-Unis, les pertes se chiffrent à plusieurs centaines de millions de dollars. En France, aucune estimation globale n’existe mais, par exemple, 1,8 million d’euros ont été perdus en production de cerises dans le Lyonnais en 2016 (source SICOLY).

Les deux projets en cours sur ce modèle biologique sont:

Le Projet ANR DroThermal - Le projet DROTHERMAL ‘Qu’est-ce qui fait de Drosophila suzukii une envahisseuse si efficace ? Une analyse intégrative de son écologie thermique ‘ porté par Hervé Colinet (ECOBIO) a pour objectif  d’intégrer différents niveaux de variation à travers différentes échelles spatio-temporelles afin de mieux comprendre les réponses thermiques de D. suzukii et donc de mieux prédire la persistance et la dynamique des populations tant au niveau local que global. Ce projet est réalisé en collaboration avec Sylvain Pincebourde (IRBI) pour les aspects variations spatiales, Olivier Chabrerie (EDYSAN) sur les aspects de variations trophiques et Laurence Mouton (LBBE) pour l’intégration des interactions hôtes-microbes.

La thèse de Marie Panza que je co-encadre avec Laurence Mouton (LBBE) et Vincent Foray (IRBI de Tours) porte sur  la capacité de résistance du ravageur de cultures Drosophila suzukii face à un parasitoïde récemment introduit en France, Leptopilina japonica. Pour ce faire, nous proposons une étude en trois parties : 1)  Caractériser la variation de la résistance à L. japonica entre populations invasives européennes de D. suzukii et rechercher de potentiels compromis avec des traits liés à la fitness. 2)  Tester l’influence de l’environnement et du microbiote sur la résistance de D. suzukii à L. japonica. Cette partie se focalisera sur l’effet du milieu nutritif et de la bactérie héritable Wolbachia. 3)   Identifier les facteurs proximaux sous-jacents à la variation de résistance à L. japonica. Cette analyse recherchera les mécanismes moléculaires à l’origine de la variation intra-spécifique chez D. suzukii, mais également inter-spécifique entre D. suzukii et une autre espèce de drosophile, D. melanogaster. D’un point de vue fondamental, cette étude contribuera à la compréhension des facteurs ultimes et proximaux impliqués dans la variation de résistance d’un hôte à un parasitoïde. D’un point de vue appliqué, elle fournira des résultats précieux pour le développement d’un programme de lutte biologique contre D. suzukii et l’évaluation des risques d’émergence de résistance. Ce projet se fait en étroite intéraction avec nos collègues de l'équipe Recherche et Développement en Lutte Biologique de l'ISA de Sophia - Antipolis.

 

 

 

 

Responsabilités

Le Conseil scientifique du CNRS veille à la cohérence de la politique scientifique du centre en liaison avec l'ensemble des instances scientifiques consultatives du Comité national. Le Conseil Scientifique du CNRS est constitué de 30 membres : 11 membres élus (5 collège A, 4 collège B et 2 collège C) - 11 personnalités (dont 3 appartenant au monde économique) nommées en raison de leur compétence scientifique - 8 personnalités scientifiques étrangères. Je suis membre du bureau du CS. Outre le traitement des points statutaires habituels (éméritats, créations ou suppressions d’unités, nomination des jurys d’admission, etc.) et la mise en place de groupes de travail, le Conseil scientifique (CS) du CNRS a dû examiner rapidement deux dossiers majeurs : le repérimétrage des sections du CoNRS  et le dossier sensible des keylabs.

 

Depuis 2023, je suis co‑responsable avec Sylvie Nazaret et Claire Valiente Moro du living lab ANTHARES dans le cadre du PEPR SOLUBIOD, consacré à l’évaluation des solutions fondées sur la nature (SfN) dans différents contextes, dont le milieu urbain. ANTHARES étudie les SfN sur le territoire de la métropole lyonnaise et sa frange rurale/périurbaine (534 km², 60 % urbanisés).   Les moyens alloués financent 10 demi‑bourses de thèse en cofinancement avec les universités lyonnaises, VetAgroSup, CNRS et INRAE. ANTHARES vise aussi à fédérer la communauté lyonnaise — académique (14 laboratoires impliqués de la biologie évolutive à la physique énergétique en passant par la philosophie ou l’économie) et non académique (collectivités locales, associations) - impliquée dans les SfN urbaines. 

 

 

 

Publications

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